association animation de l’arche

 
 
 

Vendredi 15 février 2013


« Soirée La Fontaine »


Variations autour de :

La Cigale et la Fourmi



 




Les auteurs de variations (contrefaçons, imitations) sur cette fable, n’ont évidemment aucune prétention à l’originalité. La Fontaine n’y prétendait pas non plus, témoin le titre général de son plus célèbre ouvrage : « Fables choisies mises en vers par M. de La Fontaine ». Et il ne manque pas de citer son illustre inspirateur  : “Je chante les héros dont Esope est le père”


La construction, très simple, de la fable “La Cigale et la Fourmi” lui permet  d’entrer au répertoire des petits écoliers. Mais, loin d’être simpliste, elle autorise de nombreuses interprétations, les unes respectant à la lettre le texte de La Fontaine (par exemple, un exercice de théâtre sur la manière de jouer la fable, selon que l’on veut rendre sympathique la cigale ou bien la fourmi), les autres cultivant des pastiches très contemporains jusqu’à des textes en prose.


La cimaise et la fraction” : Raymond Queneau applique la méthode S+7 de construction au texte de La Fontaine (on remplace noms, adjectifs et verbes par le 7e mot de la même catégorie grammaticale pris dans un dictionnaire)


A Pigalle ayant chanté tout l’été… de Serge Gainsbourg est une autre contrefaçon. La version chantée par l’auteur vaut le détour.


Et, ci-dessous une version très moderne en prose...

La Cigale et la Fourmi

Version très “actuelle”



Tout d’abord, une forme que n’aurait pas désavouée Esope...)


Tout l’été, la Fourmi travaille dur dans la canicule : elle construit sa maison, elle prépare ses provisions pour l’hiver. Du haut de son arbre, la cigale rit de bon coeur. Elle pense que la fourmi est stupide. Alors elle joue, danse et chante à pleine voix.

Une fois l’hiver arrivé, la fourmi est au chaud et bien nourrie.  La Cigale, ayant chanté tout l’été, se trouve fort dépourvue.  Grelottante de froid, elle n’a ni nourriture ni abri. Elle ne rit plus, elle ne chante plus, elle ne joue plus ; elle va crier famine chez la fourmi, sa voisine. Mais la fourmi n’est pas prêteuse, c’est là son moindre défaut… Alors la cigale meurt de froid et de faim.




Et maintenant une version très gallinacienne...


Tout l’été, la Fourmi travaille dur dans la canicule : elle construit sa maison et prépare ses provisions pour l’hiver. La Cigale pense que la Fourmi est stupide, que de telles préoccupations, bassement bourgeoises, sont indignes d’elle. Elle est d’un tempérament artiste, la cigale, elle déteste les contraintes. Alors elle rit, joue et chante à pleine voix.

Une fois l’hiver arrivé, la Fourmi est au chaud et bien nourrie. La Cigale, ayant chanté tout l’été, se trouve fort dépourvue. Grelottante de froid, elle n’a ni nourriture ni abri. Elle ne rit plus, elle ne joue plus… Elle organise une conférence de presse.


Coqs, poules, pintades paons et dindons s’y précipitent en foule. Elle demande pourquoi la Fourmi a le droit d’être au chaud et bien nourrie, tandis que les autres, moins chanceux, les défavorisés comme elle, ont froid et faim. La télévision gallinacienne organise des émissions en direct qui confrontent la Cigale transie et la Fourmi bien au chaud dans sa maison douillette, devant une table pleine de provisions. « Que faisiez-vous aux temps chauds ? » demande naïvement la Fourmi. C’est l’horreur ! C’est le tollé général ! Quel cynisme !… 

Les Gallinacés sont scandalisés : comment, dans une basse-cour aussi riche, on laisse souffrir cette pauvre Cigale tandis que d’autres vivent dans l’abondance !...  Les associations contre la pauvreté manifestent devant la maison de la Fourmi. Les pintades organisent des manifestations, demandant pourquoi la Fourmi est devenue riche sur le dos de la Cigale. Elles interpellent le gouvernement pour que l’on augmente les impôts de la Fourmi : il faut qu’elle paye sa  « juste part ».


Les Gallinacés politiques, de peur de déplaire aux Gallinacés bien-pensants, en rajoutent : la Fourmi reçoit aussi une amende pour ne pas avoir embauché la Cigale comme aide ménagère, pour ne pas avoir partagé avec elle ses provisions... Sa maison est confisquée par les autorités car la Fourmi n’a pas assez d’argent pour payer et son amende et ses impôts. 


Quelque temps après, un Paon animateur de télévision, tout ruisselant d’amour du prochain, fait un reportage sur la Cigale maintenant engraissée. Elle est en train de finir les dernières provisions de la Fourmi, bien que le printemps soit encore loin. Mais elle a confiance, elle sait que l’Etat veillera sur elle, que d’autres Fourmis travailleront pour elle…


L’ancienne maison de la Fourmi, devenue logement social pour la Cigale, se détériore.  Il n’est pas question pour la Cigale de l’entretenir.  Des reproches sont alors faits au gouvernement : manque de moyens ! Une commission d’enquête est mise en place. Toute la presse d’opposition vitupère l’impuissance de l’Etat à traiter sérieusement le problème des inégalités sociales et à combattre l’injustice dont sont victimes les travailleurs.