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Mardi 10 décembre 2013

Visite du camp des Milles

(suite)

 

Le Camp des Milles comporte une exposition sur les artistes qui ont fait partie de l’Histoire du Camp d’internement et qui ont été marqués profondément  par leur séjour. Nous avons pensé qu’il était intéressant d’apporter un éclairage complémentaire sur ces artistes  qui ont joué un rôle très important dans l’histoire de l’Art Moderne… On doit citer plus particulièrement : Ernst, Springer, Bellmer, Wols et Feuchtwanger, qui ont eu des destins hors du commun… Nous avons sélectionné deux d’entre eux, en espérant donner au lecteur l’envie d’explorer plus avant les personnalités de ces artistes hors du commun, qui ont influencé si puissamment  l’Art Nouveau, avec  lequel, comme moi, vous allez peut-être vous réconcilier !




Max Ernst, (1891-1976), est un  des premiers peintres et sculpteurs des mouvements « dada » et  « surréalistes » créés à la « Belle époque » en réaction avec le conformisme régnant… Artiste majeur, novateur des techniques nouvelles en peinture et sculpture, considérées par la suite par le régime nazi comme dégénératives… mais ayant envahi le monde des Arts entre les deux guerres, pour donner naissance ensuite à l’art abstrait, souvent peu apprécié du public…

Le site internet présente un riche aperçu des œuvres de l’artiste, et nous fait découvrir l’univers extraordinaire du surréalisme, qui donne libre court à une imagination débridée, auquel  on ne peut rester insensible ; c’est du moins ce que j’ai ressenti, alors que j’étais assez peu amateur de cette forme de l’Art jusqu’à présent...

Max Ernst a fait la connaissance de tous les « intellectuels »  en vogue : Apollinaire, Klee,  Eluard, Breton, Diaghilev et Miro, Giacometti, etc … Il voyage beaucoup, et séjourne en Italie, mais surtout en France.

Dès le déclenchement de la 2e Guerre Mondiale, considéré comme un « allemand ennemi », il fait un séjour au Camp des Milles, d’où il réussit  à partir  en 1940 ; il vivra alors aux Etats-Unis, où il retrouvera  Max Chagall et Marcel Duchamp, peintres de la même école que lui.

Après la guerre, il s’installera définitivement dans le midi de la France (à Seillans dans le Var). Il s’éloignera du mouvement surréaliste dont il sera exclu, mais il continuera  à peindre et à exécuter de nombreuses œuvres d’art très marquées. Il a acquis une renommée mondiale : il a fait l’objet d’une exposition « rétrospective » à New-York, et un catalogue complet de ses œuvres  a été édité à Paris. Enfin, il a été nommé Satrape (gouverneur d’une satrapie !) au collège de Pataphysique (« science des solutions » imaginaires ). Tout un programme pour un surréaliste… Décédé  un… 1er avril, il a été incinéré au Père Lachaise.

Reportage :

Laurent Le Coz

Ferdinand  Springer (1907-1998), peintre, sculpteur et graveur, déjà connu internationalement avant la guerre, a traversé la presque totalité du XXe siècle et a subi le cataclysme de 39-45… Il s’est consacré successivement à toutes sortes de formes artistiques, ce qui lui a permis de créer un style très personnel dont ses dernières œuvres sont le reflet, et à ce titre, il ne peut être « classé », ce qui le différencie de Max Ernst…

Pendant la période d’avant-guerre, il étudie, expose, voyage  beaucoup… A New-York, il rencontre Calder, Dali… avec  lesquels il  participe à « l’Art Nouveau », tout en restant  viscéralement classique. Installé en France en 1938, sa nationalité allemande le conduit à être interné au Camp des Milles en 1939 , où il comprend « qu’un monde artistique est en train de s’écrouler » et qu’il lui faut abandonner le  style « romantique antiquisant »…

Et  pourtant, pendant son  internement, il dessine beaucoup, ses modèles  sont  les  internés qu’il met en scène d’une manière  pathétique et sculpturale, à la manière des Beaux Arts, sorte de reportage pictural idéalisé de la vie quotidienne au Camp, comme pour s’échapper de la triste réalité... Son ami le peintre Bellmer se moquait de lui de rester « classique ». En dehors de la réalité morbide du Camp, il était néanmoins très humain et était devenu l’interprète et le médecin pour les autres internés… Il y rencontre Ernst, Wols.

Malade, il est transféré à Forcalquier.  Démobilisé en 1940, il retourne à  Grasse, sa ville d’adoption, où il fait partie d’un groupe d’artistes ; il y effectue ses  premières peintures abstraites. Toujours  en situation ambigüe, il s’exile en Suisse en 1942, avant l’arrivée des Allemands en zone libre… Il y fait la connaissance, entre autres, de Paul  Klee, mais il est interdit d’expositions, malgré une production très prolifique !

En 1945, il retourne dans sa maison de Grasse, et s‘établit à Paris en 1952, où il a une activité artistique intense et  très variée ; il continue à développer un langage abstrait très personnel, tout en conservant ses références à toutes les civilisations, et à toutes les techniques : graphisme, tapisseries, « découpages », etc…Il multiplie les expositions dans de nombreux pays.

Il s’établit définitivement à Grasse en 1975, où sa personnalité s’affirme totalement, et  son art acquiert toute sa plénitude. Il  se plait à déconstruire la nature, pour la reconstruire différemment en « paysages imaginaires », mais il ne s’abstrait pas néanmoins  d’une certaine représentation  figurative : sublime amalgame entre le réel et l’imaginaire ! La nature apparait comme un rêve, une expansion harmonieuse de la réalité.

On  ne ressent que rarement de « malaise » devant  ses oeuvres, ce qui  est  inhabituel  (à mon avis) s’agissant du surréalisme… Cet immense artiste reconnu  mondialement  a réussi ainsi  la synthèse du romantisme, du symbolisme et surréalisme.